Interaction pastille gaine

Le phenomene d’interaction pastille gaine constitue aussi un risque vis-a-vis de la premiere barriere. Ce phenomene a ete decrit au chapitre 4. Nous rappelons ici brievement les origines physiques du phenomene.

Soumises a une irradiation neutronique intense, les pastilles d’UO2 et la gaine sont le siege de deformations qui modifient l’epaisseur du jeu pastille gaine (figure 8.5).

Le combustible est soumis aux effets suivants :

• la densification : en debut de vie, l’elimination des micro-porosites du combustible fritte conduit a une diminution du volume des pastilles d’UO2; [30]

image105

• le fluage radial vers l’exterieur sous I’effet de la pression des gaz de fission en cours d’irradiation;

• la corrosion chimique interne par les produits de fission (I’iode en particulier) et externe par le refrigerant.

Lorsque le jeu pastille gaine est comble, la gaine est le siege de contraintes de trac­tion qui, en augmentant lors d’une variation de puissance, peuvent entrarner une fissu — ration voire une rupture du gainage, affectant ainsi l’integrite de la premiere barriere de protection.

A puissance stable, le niveau des contraintes de traction est modere et quasi-constant. On dit alors que le crayon est conditionne a la puissance d’irradiation. L’amplitude des contraintes de traction ne represente pas un danger pour l’integrite de la gaine.

En cas de transitoire de puissance en fonctionnement normal ou accidentel de classe 2, la variation de puissance lineique resultant de I’augmentation de puissance globale du creur combinee a la deformation de la distribution de puissance peut etre importante, en particulier au voisinage des assemblages grappes. En cas de baisse de puissance au-dela de huit heures, il s’amorce un deconditionnement local du crayon dQ au fluage de la gaine vers l’interieur et au leger gonflement du crayon lors du palier bas de puissance. En ex­ploitation, on decompte precisement les durees de Fonctionnement Prolonge a Puissance Intermediate (typiquement en dessous de 90 % pour une duree superieure a 8 heures par periode de 24 heures). L’importance du deconditionnement depend de l’amplitude de la variation de charge, de l’evolution de la distribution axiale de puissance, de la position de l’assemblage dans le creur, notamment vis-a-vis des grappes de controle.

Le phenomene IPG limite donc la souplesse de fonctionnement du reacteur, sur tous les paliers. Actuellement, on impose des restrictions sur la duree de fonctionnement a puissance intermediate sous forme d’un credit, sur les vitesses de remontee en puissance et sur le type de fonctionnement (suivi de reseau ou fonctionnement en base). En effet, l’etat thermomecanique du crayon se construit en fonctionnement normal avant un even — tuel transitoire incidentel. Moyennant le respect des STE (credits et alarmes) et un reglage adapte des seuils de protection, les etudes montrent qu’il n’y a pas de risque de rupture par IPG.

En categorie 2, les situations suivantes doivent etre considerees :

• augmentation excessive de charge par ouverture en grand des vannes vapeur, entraT — nant une excursion de puissance primaire au-dela de 100 % PN;

• retrait incontrole d’une grappe de controle en puissance, ces deux transitoires en — traTnant une intervention des protections ATSurpuiSSance et ATtemperatureelevee (900 MWe) ou puissance lineique elevee (1390 MWe);

• chute de grappe avec retour en puissance sous l’effet de refroidissement du creur et de l’intervention de la regulation de temperature moyenne avec une distribution de puissance degradee (radialement et axialement).

L’accident de dilution homogene, en raison de sa cinetique lente, autorise une relaxa­tion des contraintes et n’entraTne donc pas de rupture IPG lors des transitoires accidentels de condition 2.

Pour se premunir contre le risque IPG, il importe donc de controler les augmentations de puissance locales.

Une approche en trois volets mettant en jeu la protection, la surveillance et les STE a ete retenue pour repondre a cette necessite.

La premiere consiste a dimensionner le seuil d’arret automatique par puissance li­neique suffisamment bas pour limiter les augmentations de puissance dans les crayons a risque IPG tout en surveillant la puissance maximale au point chaud.

Ces dimensionnements permettent de couvrir le risque IPG en cas de retrait incontrole de groupe de puissance ou d’augmentation excessive de charge.

Pour les REP 1300 MWe, afin de ne pas trop se penaliser vis-a-vis des situations de fonctionnement normal et aussi pour pouvoir assurer avec un seuil unique une protec­tion IPG efficace dans une grande variete de situations accidentelles caracterisees par des configurations de grappes diverses, le dimensionnement du seuil est associe a la prise en compte d’une majoration (a travers les Fxy(z) implantes dans le SPIN) des puis­sances lineiques modulees en fonction des diverses configurations de grappes limitatives en classe 2.

L’optimisation de la valeur du seuil de protection par puissance lineique a conduit par ailleurs a limiter a l’aide d’une alarme de surveillance durant la longueur naturelle de campagne les valeurs positives de desequilibre axial de puissance a +6 % a 100 % PN et a +15 % a 15 % PN, pour assurer la tenue a l’lPG en cas d’accident de chute de grappes n’entrarnant pas l’intervention des protections.

La seconde approche vise a eliminer les cas les plus penalisants de chute de grappe, a savoir les chutes de deux grappes non detectees par le systeme de protection en logique 2/4 (2 charnes externes doivent detecter la chute).

En fait, la prise en compte de l’lPG en classe 2 impose de pouvoir detecter a tout moment la chute de 2 grappes en debut de campagne. Or, les etudes menees sur le sujet montrent que dans certains cas, cette detection n’est pas garantie.

La solution consiste a « forcer », en logique 1/4, l’arret automatique par d^i/dt negatif, en fixant le seuil RECS du rapport d’echauffement critique a une valeur arbitrairement elevee de 4, en debut de campagne. Le seuil RECS est ramene a sa valeur initiale a partir de 3000 MWj/t.

Le troisieme aspect concerne le suivi de l’etat thermomecanique du creur dans le cadre des Specifications techniques d’exploitation. La frequence et la duree des varia­tions de puissance en fonctionnement normal fragilisent la gaine par un accroissement des contraintes. Une limitation du Fonctionnement prolonge a puissance intermediate (FPPl) a donc ete introduite en complement des majorations evoquees ci-dessus. Cette limitation, de l’ordre de quelques dizaines de jours, est regie par un facteur K, image des marges disponibles en contrainte entre la limite technologique du combustible, et la contrainte locale maximale atteinte pour tout transitoire de classes 1 et 2.

Une approche analogue mettant en jeu les protections AT, les alarmes bornant le do — maine du fonctionnement normal et les STE (suivi du credit IPG) est utilisee sur le palier 900 MWe pour differentes gestions.