Mise en configuration de la tranche et du materiel d’essai

6.1.5.2.1. Approche sous-critique et divergence

Cet essai a pour but de rendre le reacteur critique, alors que le nouveau creur recharge n’est pas encore « connu » du point de vue neutronique. Il permet:

• de verifier le recouvrement des groupes de compensation de puissance lors de leur extraction;

• de verifier le bon fonctionnement des CNS, des CNI et des CNP, leur recouvrement et la non-saturation des CNS avant les alarmes et AAR (cf. chapitre 5);

• de mesurer le seuil Doppler d’apparition du chauffage nucleaire et donc de definir la plage de niveau de flux pour la realisation des essais physiques a puissance nulle; [19]

• d’avoir une premiere evaluation de la reactivite du creur par mesure de la concen­tration en bore a la divergence avec le groupe R (ou D) insere au voisinage du quart superieur du creur.

La procedure de premiere divergence du reacteur au debut d’une nouvelle campagne n’est pas identique a celle d’une redivergence standard en exploitation apres arret du reacteur. A titre d’exemple sur le palier 1300 MWe, les conditions prealables sont les suivantes :

— reacteur en etat d’arret a chaud, groupes d’arret en position haute, groupes de com­pensation de puissance et groupe de compensation de temperature a 5 pas (bas du creur);

— Tmoy = 297,2 °C (±1 °C) stable. P = 155 bar (+0, -2) stable, en regulation automa — tique ;

— CB primaire = 2000 ppm ou superieure;

— 2 orifices de detente en service. Toutes les chaufferettes fixes en service;

— niveau RCV entre 1,5 et 1,7 metres, 200 m3 disponibles en eau demineralisee;

— niveau pressuriseur entre 3 et 4 metres.

L’approche sous-critique se deroule en plusieurs phases :

• 1re phase : extraction des grappes

On cherche a etablir une reference de taux de comptage et on extrait les groupes de regulation en sequence normale en relevant le taux de comptage des CNS tous les 50 pas. On verifie ainsi le recouvrement des groupes. On extrait ensuite le groupe R jusqu’a 190 pas.

Le retrait des grappes est suspendu si un changement inattendu du taux de comptage intervient. Il sera repris si la cause est identifiee et si la sQrete de la tranche n’est pas remise en question.

• 2e phase : approche par dilution Precautions :

• surveiller l’ecart CB entre boucle et pressuriseur dans la limite de 50 ppm pour controler l’homogeneisation du primaire pendant la dilution;

• garder le niveau PZR le plus bas possible, entre 3 et 4 m, afin de minimiser le temps d’homogeneisation;

• pendant l’approche, noter l’evolution du comptage des CNS et du courant des CNI.

On etablit une nouvelle reference du taux de comptage No (a 2000 ppm). On de — bute la dilution avec un debit de 36 m3/h en relevant le comptage des CNS jusqu’a No/N = 0,2 ou CB = CDIV + 200 ppm.

On continue la dilution et les releves avec un debit de dilution de 15 m3/h jusqu’a No/N = 0,15 ou CB = CDIV + 100 ppm. On poursuit ensuite avec un debit plus faible jusqu’a No/N = 0,1 et on interrompt la dilution en laissant la concentration en bore s’homogeneiser dans le circuit primaire.

Pendant cette phase de dilution, les relevesgraphiques de l’inverse du taux de comp — tage en fonction du temps, du volume d’eau injecte et de la Cb permettent par ex­trapolation d’estimer la Cb de divergence.

• 3e phase : premiere divergence

Si la criticite n’est pas atteinte lors de la fin de dilution, on extrait le groupe R progres — sivement, en affinant a l’approche de la divergence. Si la criticite n’est pas atteinte lorsque R est en haut du creur, on le redescend a sa position initiale (170 pas ou 190 pas selon le palier) et on evalue a l’aide du DSEP le complement de dilution correspondant au passage de R de sa position initiale au haut du creur. On effectue la dilution a faible debit (de 3 a 10 m3/h), en laissant homogeneiser. L’operation est reiteree jusqu’a la divergence.

Si la divergence n’est pas obtenue a une Cb inferieure a 0,9 CDiv, on arrete la dilu­tion, on verifie que les groupes sont a leurs positions respectives et on attend l’avis de l’UNIE pour continuer la campagne d’essais.

Les CNS ne sont pas inhibees a l’apparition du seuil P6 (permissif autorisant habi — tuellement le basculement des CNS ou CNI) car le seuil d’AAR est releve a 106 c/s pour verifier le recouvrement des charnes sources et intermediates. On note le re — couvrement CNS / CNI au passage du P6.

La divergence peut etre mise en evidence par:

• l’augmentation exponentielle du flux;

• le decollement de l’aiguille du TDmetre (temps de doublement) et la stabilisation a une valeur differente de l’infini;

• le signal sonore des CNS en salle de commande;

• le decollement du signal de reactivite sur le reactimetre.

Le calcul de la Cb de divergence est effectue a partir de trois mesures manuelles des concentrations en bore boucle et pressuriseur a 15 minutes d’intervalle.

Le creur est considere comme homogene si les criteres suivants sont verifies :

• la reactivite est stable;

• les variations de Cb sont inferieures a 5 ppm entre chaque mesure;

• l’ecart Cb boucle — Cb PZR est inferieur a 20 ppm.

Pour les REP 900 MWe, la valeur moyenne des Cb boucle est corrigee de l’ecart de reactivite correspondant a la difference de position du groupe R par rapport a sa position de reference (170 pas) a l’aide de l’efficacite theorique du groupe R et de l’efficacite differentielle du bore issues du DSEP. Ceci permet de proceder a une comparaison a la valeur attendue.

6.1.5.2.2. Determination de la plage de flux pour les essais physiques

Afin d’obtenir une reponse correcte du reactimetre pour la suite des mesures, il est neces — saire d’effectuer les essais a un niveau de flux :

• suffisamment eleve pour s’affranchir de la non-compensation aux у des chaTnes de puissance se traduisant par un bruit de fond et pour se placer dans la zone de linea — rite des CNP (zone ou le signal delivre est proportionnel au flux neutronique regu par les CNP);

• suffisamment faible pour s’affranchir de l’effet Doppler qui influe sur la reactivite et vient se superposer sous forme de contre-reactions aux effets que l’on souhaite mesurer (effet des grappes par exemple).

Pour cela, l’objectif de cet essai est de trouver une plage de flux qui reponde a ces deux conditions.

L’effet Doppler est lie a la vitesse d’agitation thermique des noyaux presentant des sections efficaces resonantes. L’effet d’elargissement du spectre elargit les resonances des noyaux cibles tandis que l’integrale de resonance reste inchangee. Par contre, du fait de l’autoprotection des resonances, l’integrale effective augmente proportionnellement a la racine carree de la temperature absolue des noyaux cibles et c’est elle qui va influer sur la cinetique du creur. L’effet Doppler est donc important avec des noyaux tres autoproteges.

Dans le cas des reacteurs a eau sous pression a uranium faiblement enrichi, c’est es — sentiellement sur la section efficace d’absorption de l’238U qu’agit l’effet Doppler. L’aug — mentation de la temperature du combustible se traduit donc par un accroissement des absorptions, d’ou une diminution de la reactivite du creur.

Le chauffage nucleaire est un phenomene que l’on observe facilement. Il correspond a une rupture de l’equilibre isotherme combustible-moderateur : le combustible chauffe le moderateur, l’egalite des temperatures moderateur et combustible n’est plus verifiee. L’effet Doppler devient alors significatif et apporte de l’antireactivite.

Les conditions prealables a la determination de la plage d’essais physiques sont:

• reacteur stable en CB, temperature et pression;

• CB a la valeur de la CB de divergence, R a la cote critique pour avoir une reserve suffisante de reactivite;

• reglages adequats du reactimetre.

Les precautions suivantes doivent etre prises :

• pendant toute cette phase, on releve les taux de comptage des CNS tant qu’elles ne sont pas inhibees, des CNI et des CNP afin de valider la non-saturation des capteurs;

• le flux doit rester dans la gamme 15 % — 90 % de la pleine echelle.

Le deroulement de l’essai consiste dans un premier temps, par extraction du groupe R a elever le niveau de flux sur les CNI par demi-decade. Cette extraction du groupe R doit, dans tous les cas, amener une surcriticite inferieure ou egale a 50 pcm. Toutes les demi-decades, on releve, apres stabilisation du flux, les courants des CNI, des CNS et de la CNP branchee sur le reactimetre.

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En tragant la courbe Icnp = f(lCNi) (figure 6.3), on peut determiner la plage de linearite de la chaTne de puissance et son bruit de fond. Les CNI sont prises comme reference car ces chafnes sont compensees aux у et delivrent donc un signal proportionnel au flux neutronique meme a tres basse puissance. Durant cette phase, il faut faire attention a l’AAR sur les CNI.

L’effet Doppler peut etre observe par les effets simultanes suivants (figure 6.4) :

• decroissance du signal de reactivite,

• changement de pente du flux,

• augmentation de la temperature moyenne (stabilisation prealable de la Tmoy par debit ASG stable, GCT bien regle, …).

On releve alors le niveau de flux pour lequel apparaft le chauffage nucleaire. Puis, on descend le groupe R a une cote inferieure pour rendre le reacteur sous critique. Une fois le bruit de fond et le chauffage nucleaire mis en evidence, la determination de la plage de flux est possible. Toutefois, si la condition 20 x IBDf < Idoppler/3 (condition empirique) n’est pas remplie et s’il n’est pas possible de determiner une gamme de flux correcte, il faudra changer la chaTne RPN utilisee pour la mesure et recommencer l’operation.

il faut que la plage de flux des essais a puissance nulle satisfasse les conditions sui — vantes :

20 x IBdf < Plage d’essais physiques < Idoppler/1,5

Si ces conditions ne peuvent pas etre remplies, on preferera une zone plus proche du Doppler que du bruit de fond. Au besoin, on limitera la gamme de flux a 70 % de la pleine echelle si a 100 % le niveau de flux est trop proche du chauffage nucleaire.

Pendant toute cette phase, on verifiera le recouvrement des chafnes intermediates et de puissance.

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Apparition du chauffage nucleaire

Figure 6.4. Visualisation de I’effet DOPPLER.